
CONAKRY-La libération de Moussa Dadis Camara pour « raison de santé » soulève des questions sur le cas de Toumba Diakité, également malade selon, son avocat. Dans un entretien accordé à Africaguinee.com, Maître Paul Yomba Kourouma révèle qu’il y a environ deux mois, son client s’est vu refuser un voyage médical qui devait le conduire à l’hôpital militaire de Rabat. Le grandiloquent avocat accuse l’actuel Garde des Sceaux d’être le verrou. Actualité oblige, il s’est également prononcé sur la grâce présidentielle accordée à Dadis Camara.
AFRICAGUINEE.COM: Dans quelles circonstances votre client Toumba Diakité a-t-il obtenu l’autorisation d’aller se faire soigner à l’étranger ?
PAUL YOMBA KOUROUMA : Il y a déjà un mois et demi, voire deux mois, que Toumba devait se rendre à l’hôpital militaire de Rabat pour une intervention. Il avait obtenu son passeport ainsi que les frais de voyage. Tout était prêt. Il devait embarquer à 22h30, mais au dernier moment, le ministre de la Justice l’en a empêché.
Sa valise était bouclée, il n’attendait que le départ. Selon le ministre de la Justice, le problème venait du fait que le ministère des Affaires étrangères n’avait pas informé son homologue marocain, ce qui nécessitait un léger report. Mais depuis, ce dossier a été mis aux oubliettes. Il n’en parle plus, c’est devenu une affaire classée.
Tous les documents médicaux fournis ont été égarés. Non pas à cause d’une mauvaise gestion du secrétariat, mais parce qu’une fois sur la table du ministre, ils ont été relégués aux calendes grecques.
Depuis quand cette décision a-t-elle été prise ?
Cela fait bientôt deux mois que Toumba devait voyager. Il possède son passeport, toutes les formalités ont été accomplies : empreintes, vérifications, tout a été fait dans les règles. D’ailleurs, c’est le ministre de la Justice lui-même qui avait ordonné à l’hôpital de confirmer le diagnostic de cancer. Ce dernier a été validé, et dès lors, rien ne s’opposait plus à son évacuation.
Pourquoi, alors, ce blocage ?
Le ministre de la Justice s’est catégoriquement opposé au départ de Toumba. Il est un farouche opposant à son traitement médical et, peut-être aussi, à sa libération.
Mais n’est-ce pas lui qui avait donné l’autorisation initiale ?
Non, pas du tout. Cela ne lui était pas inconnu, certes, mais il n’en était pas l’initiateur. Nous avons mené ensemble des démarches pour faciliter ce départ.
Vous avez mentionné un vol prévu à 22h ce jour-là. Qu’en est-il ?
Ce vol a eu lieu il y a déjà deux mois. Toumba aurait même pu être de retour après sa convalescence et se préparer à affronter la justice de son pays. Mais il souffre toujours, et l’indifférence des autorités pénitentiaires est alarmante.
Le ministre de la Justice, par son obstination, constitue aujourd’hui un véritable verrou dans ce dossier. Il a facilité la libération de Dadis, ce que nous ne contestons pas. D’ailleurs, si Dadis était malade, il avait pleinement le droit de se faire soigner.
Espérez-vous une nouvelle décision présidentielle pour débloquer la situation ?
Il faudrait vider la maison centrale de ses détenus malades. Toumba n’est pas le seul en souffrance, et beaucoup d’autres prisonniers devraient être libérés pour raisons médicales. La générosité du chef de l’État ne doit pas se limiter à une seule personne. Si l’auteur principal d’une infraction est libéré, pourquoi retenir ses coaccusés ?
Nous remercions néanmoins le chef de l’État, car nous connaissons ses intentions. Nous savons qu’il n’a jamais interféré dans cette procédure judiciaire. D’ailleurs, aucun membre du gouvernement n’a été soupçonné d’ingérence.
Si cette affaire relevait du cadre militaire, je doute qu’il se serait laissé piéger de la sorte. C’est pour cela qu’il a consulté son principal conseiller, le ministre de la Justice, et qu’il s’est fié à son cabinet, qui a validé la sortie de Dadis.
Nous, nous ne nous intéressons pas aux autres considérations. La cohésion sociale ne nous a jamais divisés. Si tel était l’argument, alors tous les détenus devraient être libérés, car Dadis ne représente pas toute la Guinée.
D’ailleurs, il n’avait même pas besoin de justifier son décret. Il aurait pu décider de vider toutes les prisons du pays et permettre un nouveau départ. Personne ne s’y serait opposé.
En conclusion ?
C’est une grande mascarade. Il n’y a ni vérité ni sincérité. La justice a été bafouée. Nous, professionnels du droit, sommes plongés dans un profond embarras. Nous ne savons que répondre à nos confrères, à ceux qui croyaient en un minimum de rigueur juridique en Guinée.
C’est grave. C’est honteux.
Quel message souhaitez-vous adresser aux autorités ?
Nous ne nous adressons pas aux autorités. Nous ne connaissons que notre dossier, la justice et le droit. Nous nous préparons pour l’audience, et chacun doit rendre à César ce qui lui appartient.