
CONAKRY- La grâce présidentielle accordée à Moussa Dadis Camara est perçue comme ‘’un coup dur’’ pour les victimes du massacre du 28 septembre 2009 et leurs soutiens. Dans une déclaration conjointe publiée ce mardi 1er avril 2025, les ONGs (FIDH, OGDH et AVIPA) qui s’étaient constituées partie civile aux côtés des victimes lors du procès, ont considéré que la clémence présidentielle vis-à-vis de ce condamné qui purgeait une peine de prison de 20 ans, est un « affront à la justice et à la mémoire des victimes du massacre ».
Ces organisations de défense des droits de l’homme – FIDH, OGDH et AVIPA- dénoncent cette mesure, qui pourrait, selon elles, nuire à l’avancement du processus judiciaire et remettre en question la crédibilité du système judiciaire guinéen. Réaffirmant leur engagement à poursuivre le combat pour la justice et la vérité, ces organisations mentionnent qu’elles se réservent le droit de « recourir à toutes les voies légales disponibles », tant au niveau national qu’international, pour que la mémoire des victimes soit respectée et que la justice l’emporte enfin.
« Cette grâce suscite une très grande incompréhension des parties civiles car elle interrompt de facto le processus de justice et apparaît en totale contradiction avec les principes encadrant la séparation des pouvoirs et la bonne administration de la justice. Les parties civiles sont choquées face aux raisons de santé invoquées pour justifier cette grâce présidentielle. Il existe d’autres dispositions légales permettant d’accorder une prise en charge médicale dans le cadre de la détention, qu’il s’agisse de Monsieur Moussa Dadis Camara ou de tout autre détenu », a déclaré Me Alpha Amadou DS Bah, président de l’OGDH (l’Organisation Guinéenne de Défense des Droits de l’Homme) et avocat coordinateur du collectif d’avocat.es représentant les parties civiles.
Le Capitaine Moussa Dadis Camara a été condamné le 31 juillet 2024, à 20 ans d’emprisonnement pour « crimes contre l’humanité » dans le massacre du 28 septembre 2009. Sa libération ébranle le procès en appel attendu, selon le collectif.
« Pendant 22 mois, et malgré les difficultés tout au long de ce procès hors normes, les victimes sont restées mobilisées et ont gardé l’espoir de voir cette œuvre de justice aller jusqu’à son terme pour rétablir la vérité, leur rendre justice et réparation. Aujourd’hui, les victimes apprennent, quasiment dans le même temps, la prise en charge de leur indemnisation par le budget national et la grâce présidentielle accordée à Moussa Dadis Camara. Ceci est indigne de la quête de justice qu’elles mènent avec abnégation pour qu’enfin on puisse dire ‘plus jamais ça’ en Guinée », a réagi Asmaou Diallo, présidente de l’AVIPA, dans la note conjointe parvenue à Africaguinee.com.
Selon les défenseurs des droits humains, cette grâce présidentielle accordé à Moussa Dadis Camara s’inscrit en « contradiction flagrante » avec les engagements de la Guinée au niveau national, régional et international. Le droit international, en particulier le Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale (CPI), impose aux États l’obligation de poursuivre les auteurs de crimes contre l’humanité, afin de garantir les droits des victimes à la vérité, à la justice et à des réparations. De plus, un tel acte est en contradiction avec les principes de l’Union Africaine et des droits inscrits dans la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples.