
CONAKRY- Le commandant Aboubacar Sidiki Diakité dit Toumba est toujours malade, selon son avocat. Au mois de septembre, sa défense avait tiré la sonnette d’alarme pour solliciter son évacuation d’urgence. Plus d’un mois après, l’état de santé de l’ex aide du président Moussa Dadis Camara, condamné à 10 ans d’emprisonnement pour crimes contre l’humanité à l’issue du procès sur le massacre du 28 septembre 2009, serait encore préoccupant. Dans cet entretien qu’il a accordé à Africaguinee.com vendredi 25 octobre 2024, Maitre Paul Yomba Kourouma donne de nouvelles de l’ex homme fort du CNDD.
AFRICAGUINEE.COM : Début septembre dernier, vous tirez la sonnette d’alarme sur l’état de santé de votre client le commandant Toumba Diakité. Comment se porte-t-il à ce jour ?
MAÎTRE PAUL YOMBA KOUROUMA : La situation de Toumba est toujours précaire. Nous avons encore déposé au niveau du ministre de la justice ses documents. Mais ils sont toujours égarés ou en tout cas mis en veilleuse ou tout au moins dans les tiroirs. Or, Toumba n’est pas quelqu’un qui doit être soigné par l’Etat. Nous voyons une question déclinatoire de responsabilité, de reniement de sa personne. Comme on l’a dit dès le départ, depuis le temps d’Alpha jusqu’à maintenant, les ministres se sont succédé, malgré peut-être leur bonne volonté ils se sont heurtés au manque de volonté politique. Je crois que la mort de Toumba est programmée. Elle est programmée dès lors qu’on refuse de lui procurer même des soins infirmiers.
Les diagnostics ont été posés à plusieurs reprises, les biologistes ont défilé à son chevet et ont fait des prélèvements. Les chirurgiens sont venus et ont conclu qu’il faut une intervention chirurgicale. En ce qui le concerne, ils ont dit qu’il est apte à subir cette intervention. Tous ont décidé, l’administration publique n’a rien dit, le ministère de la justice n’est pas intervenu, et son évacuation tarde. Finalement nous entrons dans le nombrilisme, rien n’est dit. Il se tord de douleur et on va le confronter à Bienvenu (un officier de la gendarmerie inculpé pour son rôle présumé dans le massacre du 28 septembre 2009) Lamah. Nous disons que ce n’est pas possible. Ce n’est pas possible que Toumba comparaisse prochainement, parce que difficilement il a affronté le premier procès, il se tordait de douleurs. Mais on ne pouvait pas l’empêcher pour ne pas qu’on dise qu’il veut s’excuser. C’est tout.
C’est très sérieux ce qui se passe au niveau du ministère des Droits de l’Homme, au niveau de nos autorités au sommet. Nous avons crié sur tous les toits, nous avons invoqué Dieu en ce qui le concerne. Nous avons prié, nous avons passé des supplications et même par des actions de grâce en ce qui le concerne, on ne s’intéresse pas à l’état de cet homme (Toumba). C’est très sérieux ce qui se passe en ce qui le concerne.
Pourtant, en septembre, lorsque l’état de santé de votre client s’est détérioré, vous aviez salué la volonté manifeste de l’actuel garde des sceaux de vouloir œuvrer pour soulager le Commandant Diakité. Qu’est-ce qui n’a pas finalement marché ?
C’est ‘’autant en emporte le vent’’. Ils viennent toujours comme ça très vigoureux, très performant, très déterminé, mais on ne sait pas ce qui les bloque en fin de compte. C’est encore notre ministre-là qui a ordonné que Toumba soit revu par les services de l’hôpital Ignace Deen. Il est parti en chirurgie, on lui a dit que ça équivalait à une intervention imminente. Mais comprenez que nous aussi, la technologie, même si on le personnel performant, mais le matériel pour le faire, fait défaut. D’abord quand il a été, le chirurgien lui a dit : on va t’opérer mais en cas de problème qui va répondre ? Qu’est-ce que le malade peut faire en pareil cas ? C’est avant tout un médecin, il a fait carrière là-bas, il a soutenu sa thèse devant les professeurs de cette officine, de ce centre-là. C’est quand-même très sérieux.
Même si l’Etat ne prenait pas en charge les frais d’évacuation de Toumba, nous, nous sommes prêts à le faire en lieu et place de l’Etat. Toumba ne peut plus fuir. Il n’a même pas intérêt à fuir. Car ce qui lui reste à purger n’est rien. Peut-être que ça sera corrigé en appel. Il n’a donc aucun intérêt sinon qu’à venir enlever le masque qu’on lui a porté et tout le monde est d’accord que Toumba n’a posé aucun acte négatif, et aucune partie civile ne l’a accusé. C’est ça la vérité de ce procès.
Vous insistez sur la nécessité d’évacuer Toumba pour subir une opération chirurgicale à l’étranger mais vous reconnaissez quand-même qu’il a été à l’hôpital Ignace Deen pour l’opération. Alors pourquoi ne pas le faire ici en Guinée ?
C’est parce que la technologie fait défaut et d’ailleurs il est effrayé par le chirurgien qui l’a accueilli. Mais bien avant, Toumba a échappé à une tentative de meurtre dans cette affaire. On devait le tuer à partir de l’hôpital parce que les premiers prélèvements qui ont été effectués, ils se sont rendus compte que Toumba peut coopérer. Ils ont dit que ces prélèvements ont disparu alors que Toumba détenait déjà les résultats de l’examen. Le directeur de l’hôpital est venu avec une autre seringue, bien enveloppée, pour procéder à cette opération, ce à quoi il n’a pas accédé. Nous avons dénoncé mais on n’a pas eu de réplique en ce qui concerne cet aspect.
Cette histoire s’est passée où et quand, maitre ?
A l’hôpital Ignace Deen. C’était en 2017, Toumba a développé cette histoire lors de son passage au procès.
Mais en attendant, maitre comment vous êtes en train de préparer ce procès en appel dans le dossier du 28 septembre ?
Nous attendons l’administration, le ministère de la justice pour une programmation de cette affaire. Nous ne sommes pas d’accord avec le jugement rendu, nous avons relevé appel. Donc nous attendons et nous sommes pressés de la tenue de ces assises au niveau de la Cour d’Appel, devant une formation encore plus intelligente, plus avertie, pour qu’elle revoie cette question de la requalification.
Nous sommes déjà prêts, c’est l’Etat qui ne l’est pas. Nous sommes prêts, c’est l’Etat qui n’a pas la volonté de le faire d’abord. On peut leur accorder le bénéfice de doute parce qu’on vient des vacances judiciaires, nous attendons, mais il y a des innocents qui croupissent en prison, et le temps d’attente est trop.
Bien que malade et nécessitant une évacuation comme vous le souhaitez, votre client a été porté à la tête d’une formation politique. Comment vous l’expliquez ?
C’est normal. C’est son droit. Toumba Diakité n’a pas été que porté à la tête de ce parti, il a été l’homme de l’année, le roi de la sape, il a été ambassadeur de la paix, il est donc leader d’un parti politique qui marche très bien à ce que je sache.